Décharges bloquées, riverains en colère, taux de tri-recyclage dérisoire, poubelles et containers saturés, profits privatisés : face à la crise des déchets, la CTC dit stop au tout-enfouissement et au tout-transport et mise sur un changement radical de gestion insulaire basée sur le « zéro déchet zeru frazu ».

L’Union Européenne va-t-elle prendre en compte la dimension insulaire, sociétale, systémique, touristique du traitement des déchets ? Le directeur général de la DG Environnement de la Commission Européenne
D. Calleja Crespo a été invité à Bastia par le président de l’Exécutif
Gilles Simeoni pour une journée d’échanges sur l’économie circulaire (8 Juillet 16). Et ce, dans une île qui envoie à l’enfouissement 80% de ses ordures. Des tonnages considérables non triés non recyclés, un processus absurde, mortifère pour l’environnement et ruineux. La Collectivité Territoriale de Corse, face à l’échec des politiques antérieures, vise un changement radical du modèle global de traitement des déchets.
La Commission Européenne va-t-elle mieux gérer le handicap insulaire dans ses préconisations et directives ? Va-t-elle aider de manière significative l’île de Corse ?
On le saura en septembre quand les décideurs techniques de la CE et de la Collectivité Territoriale auront avancé sur des dossiers sensibles qui exigent un changement de modèle global. Toutes les solutions d’urgences à courte vue sont dépassées. La Corse vit dans le risque permanent d’une giga crise des déchets, au gré des blocages récurrents des quais de transfert et des centres d’enfouissements. Soit, périodiquement, en été ou en hiver, des montagnes d’ordures ménagères biodégradables mélangés avec des déchets non triés dans les pôles urbains insulaires, les sites remarquables, les villages. Avec des risques globaux et financiers dans une île qui reçoit 3 millions de visiteurs par an, pour une population de 320 000 habitants… qui ne trie que 6% de ses déchets. Soit une performance minable alors que la moyenne européennes est de 30% à 35% de tri-recyclage et que les objectifs européens avoisinent les 45% de tri et encore plus en 2020 et 2030 ! Le chiffre du tri-recyclage en Corse, consternant, prouve que les approches, les politiques antérieures sont à revoir en totalité. «
A Bastia, le Président
Gilles Simeoni et les élus du Conseil Exécutif de Corse affirment, vouloir en priorité, changer de modèle global et sortir de la spirale du tout-enfouissement et tout-transport. Car la réalité est cruelle : les centres d’enfouissements ici, largement saturés, seront insuffisants. Paradoxe ils sont dimensionnés (comme l’intégralité de notre société de consommation) non pas pour diminuer la production de déchets… mais pour absorber des volumes toujours plus importants. Pour changer résolument de cap, l’Assemblée de Corse a voté le 27 mai 16 un « Plan d’action pour la réduction et le traitement des déchets ménagers. » présentée par
Agnès Simonpietri Conseillère Exécutive en charge de l’Environnement. Il est quasiment certain que dans l’île, les centres d’enfouissement comme jadis les projets d’incinérateurs, ont déjà été, et seront dans l’avenir tous refusés et/ou bloqués par les riverains, leurs élus, les militants écologistes qui n’en supportent plus les nuisances. Un tableau désastreux et conflictuel auquel doit faire face le Conseil Exécutif de Corse, dans le contexte d’un syndicat intercommunal le Syvadec, crée en 2007, dans une île qui accusait alors un profond retard,


avec notamment des volumes considérables non triés et des décharges sauvages qui défiguraient les paysages insulaires. Incontestablement, la vision à long terme du Syvadec est dans l’impasse, malgré une politique volontariste, de lourds investissements, des déchetteries, des centres d’enfouissement, des filières de recyclages performantes. En cause l’insularité, il est difficile sinon impossible ici, de transposer sans les adapter, les politiques publiques venues du continent français et de l’Europe. Dans l’île, un collectif d’associations préconise activement le « zeru frazu, zéro déchet » en phase avec le Conseil Exécutif qui prépare l’avenir… tout en naviguant, dans le présent, au coeur des aléas de la pathologie insulaire chronique et aigûe des déchets. Le « zéro déchet à la source » et l’Europe seront-ils des leviers pour installer ici des solutions durables de consommation, d’éco-conception, de fabrication, de commercialisation ?
Le maître-mot de la sortie de crise des déchets (à moyen terme et long terme) restant les solutions inspirées de l’économie-circulaire, programme majeur de l’U.E… mais pour l’heure, sans aucun alinéa ou attention particulière en faveur de l’insularité. Agnès Simonpietri Conseillère exécutive chargée de l’Environnement dresse un tableau catastrophique de la situation en Corse qui s’aggrave d’heure en heure en ce 8 juillet à Bastia, à cause d’un blocage du quai de transfert des gros volumes de la Cab : « en Corse, nous avons 200 000 tonnes de déchets ménagers par an, et autant pour industrie et le Btp avec un taux de tri de 6% malgré des investissements considérables qui se chiffre en millions d’€. C’est une impasse totale. Autre chiffre nous avons 180 000 t en OM ( non triés) et une capacité réelle pour leurs enfouissement sde 120 000 tonnes seulement. Tout cela est géré de telle manière que l’acceptabilité de la population est de zéro ! Les centres d’enfouissements créent des nuisances inquiétantes pour l’environnement ce que la population refuse absolument ». Le système enfouissement plus transport qui est le modèle actuel n’est plus supportable, ni par la population, ni par les collectivités locales, ni par la gouvernance, ni par l’environnement insulaire fragile.
« Sachez, ajoute la Conseillère Territoriale qu’ici, il faut parfois 6h de route pour aller en centre d’enfouissement ! Donc un bilan carbone et financier désastreux. Comprenez que nous partons dans l’île de très loin, d’autant, que ce système signifie un marché du transport des déchets opaque, très juteux, il faut sortir de cette logique de transport-enfouissement pour aller vers autre chose. »
En Corse, le marché du transport des déchets reste donc abusif et en contradiction avec une approche saine qui serait dans l’idéal le tri intégral à la source, en local et à proximité des lieux de vie et de consommation. En Corse, l’approche des dirigeants tient compte des dispositifs des autres régions européennes. La région autonome du Val d’Aoste mise sur la réduction drastique des déchets en zone de montagne, sur le label « Eco-camper », sur l’éducation au compostage à domicile en phase avec un tri sélectif très soigneux. Concernant la croissance verte ou la décroissance douce, l’UE subventionne les programmes dédiés à l’économie circulaire dans le cadre non-décroissant d’une augmentation mondiale constante de la production de biens, de la demande, de la concurrence, du changement climatique et de la raréfaction des ressources énergétiques. Dotés de 650 millions (jusqu’en 2020) et de 5, 5 milliards en fonds structurels et EFSI (investissements stratégiques), l’économie circulaire annonce comme en gestion prioritaire : les matières plastiques, les déchets alimentaires, la biomasse et les bioproduits, la construction et démolition, les matières premières critiques. Les bonnes résolutions de l’Europe circulaire pour demain seraient de parvenir à « 100% d’interdiction pour la mise en décharge des déchets séparés ». Que restera-t-il de ces directives ? L’avenir le dira.
La décision du Parlement européen et du Conseil propose un programme d’action de l’UE à l’horizon 2020 titré : « Bien vivre dans les limites de notre planète ». Seront aidés : les technologies innovantes, l’éco-conception, le recyclage, la réparation et le réemploi. Un programme qui rencontre un écho capital en Corse. A Bastia lors de la journée de travail avec la Commission Européenne, Gilles Simeoni s’est prononcé clairement pour des solutions approchant le zéro déchet :
« vous arrivez ici à un moment charnière, nous sommes au coeur des priorités des Corses, et donc des populations européennes dont vous avez la charge. Nous sommes dans le contexte de crise extrêmement grave des déchets et nous sommes préoccupés et mobilisés nuit et jour pour trouver des solutions d’urgence. Nous sommes prisonniers de l’urgence avec la volonté d’ouvrir de nouvelles perspectives. Nous voulons rompre avec le système qui a prévalu c’est à dire le tout-enfouissement ruineux économiquement, ruineux écologiquement, et qui nous a conduit dans l’impasse douloureuse actuelle ! Nous avons voté un plan révolutionnaire il a été porté par le Conseil Exécutif, voté par Assemblée de Corse. Ce plan qui vise en cinq ans, à faire entrer la Corse dans une politique volontariste pour un système de tri à la source, en remise en en porte a porte, incluant la création de filières de recyclage. Pour la première fois, à l’échelle d’un territoire tout entier, c’est la mise en oeuvre du tri à la source avec signature d’une charte avec l’Etat, nous voulons être un territoire pionnier de l’éco-développement en Europe. »
En Corse, les préconisations d’urgence pour la transition de 2017-2018 sont des petits centres de surtri des ordures ménagères. Outre
Henri Malosse qui fût Président du Conseil Economique et Social Européen, les Conseillers Exécutifs concernés étaient présents :
Marie-Antoinette Maupertuis (Tourisme),
Jean-Felix Acquaviva ( Transport), ils ont noués des contacts essentiels avec la Commission Européenne en vue des appels d’offre européens de l’Economie circulaire.

Les mesures préconisées depuis 5 ans par Femu a Corsica ?
» Le tri à la source, au porte à porte, la collecte et le traitement séparé des biodéchets, seuls capables de nous mener à une diminution drastique de l’enfouissement. Le choix du tout transport et du tout enfouissement , 94% des ordures ménagères, mais aussi un défaut total d’anticipation, ont engendré la crise catastrophique que nous connaissons aujourd’hui et dont le Syvadec est pleinement responsable. Le Tri Mécano Biologique (TMB), s’il peut intervenir en complément du tri à la source, doit être installé impérativement au plus près des gisements pour éviter les transports et optimiser la valorisation : lorsque 80 000 tonnes de déchets arrivent en centre d’enfouissement, ils contiennent 16 000 tonnes d’eau (celle contenue dans les bio déchets) ; est-il nécessaire de les transporter ? En outre, le tri au porte à porte permet de se passer de grosses installations industrielles, au profit de petites installations de compostage et de tri mécanique localisées, créatrices d’emplois qualifiés. »